La génération des baby-boomers étant vieillissante, ceux-ci transfèrent de plus en plus de leur argent à leurs enfants et petits-enfants. Selon les experts, le Canada serait au cœur du transfert d’argent le plus important de son histoire, ce qui pourrait avoir des conséquences économiques et sociales importantes pour le pays.
L’organisme national des Comptables professionnels agréés (CPA) du Canada prévoyait en 2023 que les baby-boomers canadiens transféreraient à leurs enfants millénaires et de la génération X un patrimoine atteignant les 1000 milliards de dollars entre 2023 et 2026.
Une grande partie de cet argent est le résultat de la richesse immobilière, alors que de nombreux baby-boomers ont bénéficié de la forte hausse des prix de l'immobilier et d'autres investissements.
Cette situation est plus remarquée dans des villes comme Toronto ou Vancouver où la valeur immobilière a particulièrement augmenté, d’autres provinces comme la Saskatchewan faisant également face à ce problème, selon le doyen de l'Edwards School of Business à l’Université de la Saskatchewan, Keith Willoughby.
Il s'agit d’un tsunami de 1000 milliards de dollars qui va frapper le pays. C’est inédit dans notre histoire.
Keith Willoughby affirme que cet argent sera réinjecté dans le marché du logement lorsque les générations ayant hérité de ces fonds les utiliseront pour acheter des maisons, ce qui causera une pression importante sur le marché immobilier déjà en difficulté.
S’il n’y a pas d'augmentation de l'offre de maisons, de véhicules et autres, le prix d'équilibre va en fait augmenter
, estime l’expert.
Selon CIBC, 31 % des premiers acheteurs de maison au Canada en 2024 recevaient de l’aide financière de leur famille pour ce premier investissement. Cela représente une augmentation de 20 % par rapport à 2015.
Ces transferts de richesse ne bénéficient pas à tout le monde. Ainsi, les nouveaux arrivants qui n'ont pas participé au marché immobilier canadien ont moins de richesses à transmettre.
Par ailleurs, l'accession à la propriété n'est pas autorisée dans les Premières Nations, et les Autochtones n'ont pas le droit de posséder et de gérer leur propre entreprise, ce qui les empêche de bénéficier de ce phénomène social.
On n’a pas notre génération de baby-boomers pour nous donner de l’argent
, précise Jason Bird, qui enseigne à l’Université canadienne des Premières Nations. La richesse est jugée différemment dans les communautés autochtones. En réalité, la capacité à partager davantage est considérée comme une richesse.
Une tendance de plus en plus observée consiste à faire don de l'argent hérité.
La directrice générale de la South Saskatchewan Community Foundation, Donna Ziegler, aide les particuliers et les entreprises à créer des fonds au profit d'organisations caritatives à perpétuité.
Elle a tiré parti de la richesse agricole de la Saskatchewan pour créer une société de gestion immobilière qui fait don des revenus de la location des terres aux communautés locales.
D'autres personnes prennent des initiatives personnelles pour faire don de leur nouvelle richesse. C’est le cas de Jess Klassen, étudiante en médecine à l'Université de la Saskatchewan qui a reçu un héritage de 300 000 $, et fait partie d'un groupe appelé Resource Movement.
Ce groupe informe le public sur la manière de redistribuer efficacement leurs richesses.
De combien d’argent ai-je vraiment besoin pour vivre
, se demande Jess Klassen.
Le Canada n'impose pas les héritages depuis 1972, de sorte que ces mesures de redistribution restent facultatives. Or, Keith Willoughby estime que le Canada, qui est le seul pays du G7 à ne pas en avoir, aurait tout intérêt à au moins étudier la question.
Je pense qu'il serait utile pour le Canada de se pencher sur les juridictions qui ont intégré ce système, afin de voir s'il est possible d'en tirer certains avantages
, souligne l’expert.
Avec les informations de Chris Edwards et Leisha Grebinski